THIS IS MY BODY – Habiter le monde
Dans ces films et ses photographies (dont ici la série « Le langage des fleurs » — mais il faut se méfier des titres), mounir fatmi poursuit sa lutte contre les enfermements et les exils. Ses images « n’étalent» jamais le propos : elles condensent et illustrent certains bals des vampires et une forme de déréliction coupable.
Ceux qui y assistent contraints et forcés, brefs qui en sont les victimes tentent de s’en extirper mais ne connaissent en retour que la solitude pour tout viatique. Elle semble inhérente à la condition humaine – du moins en ce qu’il en reste et que l’artiste transpose en divers glissements même si le cœur et le corps ont des motivations que la raison ignore..
Le créateur n’a rien d’un « doux rêveur » : c’est un authentique scrutateur. Il fait ressentir les transferts de lieux et les déplacements psychiques qui, paradoxalement, rivent l’être humain à un nœud plus qu’à un point de capiton. Certes, mounir fatmi prouve dans ses vidéos qu’il veut croire à l’humain contre la force des choses telles qu’elles sont. Son constat n’est pas dénué d’espoir bien au contraire. Le corpus de This is my body (présenté grâce à Barbara Polla et Barth Jonhson) le prouve.
Néanmoins, ce que l’artiste appelle de ses mots et de ses images, de ses rapprochements (par exemple entre un homme est une femme) reste d’une espérance bien hypothétique. Mais, nous « dit » en filigrane, l’artiste ça vaut la peine d’essayer. Comme le fit Nabil Ayouch dont il défend ici l’œuvre censurée : « Les Ciseaux » dont il restitue les scènes censurées.
Celui qui refuse que son nom et prénom s’écrivent en lettres majuscules, se met ainsi au rang des perdants et ce n’est pas une simple conversion par effet de surface. Chez un tel créateur, le portant visuel permet de tenter d’ouvrir une voie entre empâtements, transparences, granulations, affleurements. Preuve que l’image comme l’amour est une affaire de chimie et d’alchimie.
Il s’agit de faire varier les tensions de lumière et ses traversées pour tenter que le monde afin soit « habité » par lui et non seulement d’exode et d’indifférence. Bref, qu’il ne se réduise pas au peu qu’il est.
mounir fatmi, This is My Body, Art Bärtschi & Cie, Genève, du 1er au 30 novembre 2018.