Un beau DEBUT
Guillaume Varone expose actuellement dans DÉBUT au 2 rue de Hesse à Genève, aux côtés de Régis Figarol & Raymundo
Né à Lausanne, Varone est devenu photographe « professionnel » presque par accident. Néanmoins, appartenant à la section très restreinte des artistes sans égo et quoique étant photographe depuis toujours (comme Godard est cinéaste depuis ce temps) il possède un sens inné de l’image. Ce qui ne l’empêche en rien de travailler ses prises.
Sa modestie éclate par exemple lorsqu’il écrit à propose de son livre sur la Slovénie : « Klavdij Sluban m’a donné quelques clés pour progresser et sortir de la simple illustration : mettre de l’émotion et du mouvement dans les images, faire des photos habitées, avec de la tension et sans être descriptif. Son workshop m’a ouvert les yeux et c’est ce que je cherche désormais à mettre dans mes photos ». De fait il avait déjà en lui tout ce qu’ll fallait afin de photographier ce pays comme – dans d’autres séries – l’intimité des femmes.
Dans les deux cas le photographe saisit l’intensité et l’émotion : le visage devient paysage, le paysage un visage. Un « corps » quelqu’en soit la nature parle d’un même langage. Varone cherche une vérité d’appartenance et d’incorporation. Exit le voyeurisme. L’artiste ne perce l’intime qu’avec bienveillance et partage. C’est une affaire de « donnant-donnant » bref de confiance et d’attention. D’où la singularité d’une oeuvre qui sans le moindre effet laisse apparaître des sentiments cachés autant chez le photographe que chez le sujet de ses prisess. Rares sont donc les oeuvres aussi justes et tout simplement belles et qui laissent au regardeur sa faculté d’interpétation.
Guillaume Varone, Début & Regard sur la Slovénie avec Klavdij Sluban
Présence absolue de la femme
“Pourquoi la photo ? J’en ai toujours fait, comme tout le monde. Jusqu’à il y a un peu plus d’un an, je faisais des photos que je qualifierais de « souvenir de voyage » dans lesquelles je recherchais une certaine harmonie pour faire une belle image”. Bref, Guillaume Varone pensait être un photographe lambda. Néanmoins, il captait des portraits qui n’avaient rien d’anecdotiques même lorsqu’ils étaient de famille. Grâce à Klavdij Sluban côté technique et Barbara Polla côté dynamique, le Lausannoios prend enfin confiance en lui.
L’artiste possède le sens inné du cadre et de la prise. Il comprend tout de suite (et ses portraits de femmes le prouvent) une idée instinctive de la lumière, de l’espace. Ses images ont l’air de monter (comme la musique pour d’autres) de l’intérieur.
Mais il y a plus. A savoir, ce qui fait de lui un “vrai” photographe. A travers ses prises, des questions surgissent. Elle répondent aussi à ce que, au fond de nous, nous avons besoin de savoir. De voyeurisme il n’est jamais question. Guillaume Varone nous dit qu’un corps existe et que les choses sont présentes. À nous de regarder calmement ce qui a lieu.
Une femme est photographiée. Nous ne connaissons pas son prénom, ni son nom, ni ses origines, ni sa vie actuelle. Nous savons une chose : le visage à travers lequel apparaît une intimité.
Tout de suite, nous sommes touchés par la pudeur et la profondeur qui se dégage de ses portraits. De face, de profil, de trois-quarts, de dos, une femme a quelque chose à nous dire. Est-ce une lumière travaillée, retravaillée par le photographe ? Un travail sur les ombres ? Sans doute. Les ombres mettent en relief l’expression. Les yeux sont grands.
Les traits du visage burinés ou parfaits donnent l’impression d’une gravité. Comme si l’existence était un acte grave, une trajectoire guidée par la conscience. Les visages sont traversés par le silence. Toutefois, l’artiste ne cherche pas une “picturalité mais une vérité d’appartenance par l’incorporation.
Notre oeil s’approche, nous « entrons » dans les images. Guillaume Varone nous propose une narration et une énigme. L’histoire d’une femme et sa chevelure. Dans une autre prise se dégage un profil. Le modèle se coiffe. Une autre est de trois-quarts. C’est le portrait d’une femme à la perruque. Deux femmes se jouxtent soudain pour un même visage. Ou l’inverse.
Histoire de mettre à nu une grâce, une origine par la chevelure et ce qu’elle sous-entend dans la culture et même dans la sexualité. Chaque visage lie aussi l’hier et l’aujourd’hui vers une autre histoire par cette prise de l’intimité “par les cheveux”. Il existe là une présence absolue de la femme. Au regardeur de l’interpréter.
Lire l’ entretien avec le photographe
Trackbacks