En attendant (toujours) l’Entrouverture
En attendant l’Entrouverture…
La galerie vous propose de découvrir ou redécouvrir l’entretien de Maïa Mazaurette accordé à ArtVisions.fr
Nous vous vous donnons rendez-vous dès le 15 mai, pour l’inauguration de notre nouvelle exposition ENTROUVERT — entre confinement et liberté — à la galerie et dans les airs, avec Céline Cadaureille, Debi Cornwall, Angus Fairhurst, Laurent Fiévet, Shaun Gladwell, Valérie Horwitz, Nikias Imhoof, Stefan Imhoof, Ali Kazma, Rachel Labastie, Maïa Mazaurette, Sylvie Mermoud & Pierre Bonard, Robert Montgomery, Pavlos Nikolakopoulos, Jhafis Quintero, Klavdij Sluban, Laure Tixier, Mimiko Türkkan et Guillaume Varone
Entrouverture dès le 15 mai !
Chères et chers, artistes et ami.e.s de l’art,
La galerie Analix Forever part en vacances ! Pas très loin, pas très longtemps non plus !
Nous vous vous donnons rendez-vous dès le 15 mai, pour l’inauguration de notre nouvelle exposition ENTROUVERT — entre confinement et liberté — à la galerie et dans les airs, avec Céline Cadaureille, Debi Cornwall, Angus Fairhurst, Laurent Fiévet, Shaun Gladwell, Valérie Horwitz, Nikias Imhoof, Stefan Imhoof, Ali Kazma, Rachel Labastie, Maïa Mazaurette, Sylvie Mermoud & Pierre Bonard, Robert Montgomery, Pavlos Nikolakopoulos, Jhafis Quintero, Klavdij Sluban, Laure Tixier et Guillaume Varone. Work in progress.
Bientôt, ce sera aussi l’entrouverture de notre nouveau site internet ! Tout, tout, tout, vous saurez bientôt tout sur la galerie et ses quasi trente ans d’histoire ! Work in progress.
Et dès que les frontières seront ouvertes, Abdul Rahman Katanani nous rejoindra, en résidence et en création.
Anne-Marie Imhoof, dite AMI, aquarelliste de génie
« À la maison, je travaillais. La maison, les pensionnaires, les enfants, la peinture. J’ai tellement travaillé. Les enfants, les pensionnaires, la maison, les bêtes, le jardin. Et ma peinture. »
« Je ne voulais pas entrer dans une école ni dans un groupe. Le groupe, j’en avais assez eu dans mon enfance, la famille, que j’ai toujours un peu fuie d’ailleurs – sauf mon père. Je voulais être seule avec moi-même et expérimenter. Je prenais mon vélo et j’allais peindre dans la nature, seule. La nature – et la nature morte – still Leben – la vie tranquille – on a le temps d’y travailler. Certes, je regardais des livres et me laissais inspirer par certains – Bonnard, Munch – mais fondamentalement, j’ai été une self-made woman. Ni maître ni ambition : peindre a toujours été un besoin, un travail – pas une ambition. Mais j’avais du talent, les choses me coulaient des doigts, cela allait vite. Je faisais beaucoup de portraits. Des portraits, comme des histoires, à la découverte de leurs héros. »
« Le plus important dans ma vie, ce sont mes yeux. Regarder, voir. Et dire qu’ils sont toujours fonctionnels, mes yeux : un cadeau. Aujourd’hui encore, je regarde les gens, je vois tout, quelle richesse, et quelle fatigue aussi : je vois et je vois et je découvre toujours de nouvelles choses. Et quand je suis fatiguée et que je n’ai pas le courage de me mettre à peindre, alors tu sais quoi ? Je me mets à peindre. Je ne peux ni ne veux m’arrêter. Je ne veux pas me reposer, cela me fatigue, cette idée de me reposer. Mais je dois faire encore quelque chose de nouveau, je dois encore avoir des idées, travailler, peindre… C’est aussi sensuel aujourd’hui que dans ma plus grand jeunesse, l’odeur de la peinture, la spatule, la palette, les mélanges, les nouvelles couleurs jamais inventées auparavant, la toile, molle ; le bois, dur ; le pavatex entre les deux ; le papier de l’aquarelle, la plume légère… toutes ces expériences, à chaque fois renouvelées. Je ne veux pas m’arrêter. »
« Ma peinture n’a jamais été vraiment reconnue. J’aurais désiré une vraie reconnaissance, de quelqu’un d’important. Quand quelqu’un comme Denis de Rougemont se disait stupéfait et trouvait mes tableaux magnifiques, ce qui est arrivé souvent, ou qu’un inconnu m’achetait des toiles, cela me faisait beaucoup de bien. Vers quarante ans, j’ai eu ma première exposition. Mais là encore, la reconnaissance a manqué. J’aurais aimé que quelqu’un écrive sur mon travail. Aujourd’hui, je me tiens à distance de ce désir, mais j’en ai goûté longtemps toute l’importance. »
« Je suis un enfant du bonheur, depuis toujours. Il pleut si fort dans la cour, dehors. Et ici, le feu de cheminée. J’aime être là, dans mon atelier, avec la pluie et le feu, les livres et la musique, mon chevalet et mes rêves, ma palette et mes pinceaux. C’est magnifique, de pouvoir continuer à peindre. »
Extraits tirés de Barbara Polla, À toi bien sûr, Lausanne : L’Age d’Homme, 2008
Découvrez ici une sélection des aquarelles d’AMI, et appréciez la joie d’en posséder ou d’en offrir une (ou plusieurs) : AMI – Présentation
Pour toute information merci de contacter barbara.s.polla(@)gmail.com / +41 79 200 90 36
L’atelier de peinture d’Anne-Marie Imhoof, dite AMI, est devenu l’Atelier AMI, une résidence d’artiste.
Le prochain artiste en résidence sera Abdul Rahman Katanani (mai-juin 2020)
Résident.e.s précédent.e.s
Curtis Santiago
Thaïva Ouaki
Céline Cadaureille
Mimiko Türkkan
Le fil rouge
« Nous sommes à Varèse, où nous avons passé le Nouvel An. Nous venons de nous lever et de descendre par le petit déjeuner. Elle s’installe sur une banquette face à la fenêtre, les yeux encore rougis par une nuit trop courte. Je vois la lumière, la composition, les couleurs. Tout est là. […] »
Dans son livre Fragments d’une histoire d’amour publié en 2018, Guillaume de Sardes interrogeait, entre autres, la capacité du médium photographique à garder une trace, la trace, de ces moments souvent insignifiants et dont la grâce ne repose que sur une sensation. En couleur ou en noir et blanc, cette chronique d’un amour nous emmenait à Varèse, Paris, Berlin. En 2018 toujours, Guillaume de Sardes foule les rues de Tanger, sur les pas des écrivains de la Beat Generation, de Jean Genet en particulier. S’ensuit un livre, un joyau qui se lit d’une traite, une série de photographies présentée en exclusivité ici, un court-métrage, et à venir, un film. Plus tard, aujourd’hui, en 2020, c’est Vers l’Est que le parfait flâneur nous embarque. Budapest, Bakou, Berlin, Kiev, Moscou, Vilnius… Villes traversées, paysages, fiancées ou beautés d’occasion au visage blanc, tremblé, croisées dans une chambre d’hôtel. Chez Guillaume de Sardes, la création est liée à l’errance et à la quête du moi.
* * *
Trois semaines durant, la galerie Analix Forever vous aura présenté une sélection d’œuvres de l’exposition Puissance et Grâce, et beaucoup d’autres choses aussi – Chronique d’une boxeuse en 5 épisodes, Art is a Freedom avec Jhafis Quintero et Valérie Horwitz, notamment. Trois photographes donc, Dana Hoey, Guillaume de Sardes et Mimiko Türkkan, nous offrent, chacun à leur manière, des images de femmes qui allient la puissance et la grâce, cette « uncanny energy » que promeut Analix Forever, cette énergie intérieure qui fait la puissance des femmes — et des autres.
MOVING ART – FOREVER
Récits photographiques d’un parfait flâneur

Beyrouth (la fin des courses), de la série Retours à Beyrouth, 2015 © Guillaume de Sardes

de la série Retours à Beyrouth, 2019 et Naples, 2013
Pour toute information sur ces photographies, merci de contacter barbara.s.polla(@)gmail(dot)com
Guillaume de Sardes à Tanger
Parmi les errances de Guillaume de Sardes, Tanger est l’une des plus actuelles. « L’histoire de cette ville est inextricablement liée à celle de la littérature. » Sur les pas des écrivains de la Beat Generation mais surtout de Genet, Guillaume de Sardes flâne dans les rues étroites et tortueuses de la Kasbah. « Ici, écrit-il, l’inactivité n’est pas coupable. Tanger est à la marge de la vie contemporaine, comme elle est aux confins du Maroc, au bord de l’océan. » En 2018, Guillaume de Sardes publie Genet à Tanger. Un livre comme un joyau, délicat à l’œil et au toucher, qui recèle les vastes connaissances de son auteur sur Genet, sa vie et ses écrits. S’il nous invite au voyage, c’est à un voyage immobile, dédié à la contemplation du monde. En 2019, Guillaume de Sardes réalise le court métrage, Genet à Tanger : un extrait à visionner ici et prépare désormais, en collaboration avec mounir fatmi, une exposition de photographies dédiées à la ville de Tanger. Guillaume de Sarde, dans ce nouveau travail, privilégie une approche subjective, sensible à la fuite du temps, en équilibre entre le documentaire et la fiction. Certaines de ces photographies vous sont proposées ici en avant-avant-première.
Pour toute information sur ces photographies de la série Méditerranée, 2019, merci de contacter barbara.s.polla(@)gmail(dot)com
Confined bodies, free bodies by Valérie Horwitz
Peines mineures – Minor Punishments: this photographic series by Valérie Horwitz is incredibly timely. Obviously, she did not suspect that when she created it, back in 2019 … but what could be more anchored in our present – and at the same time totally timeless – than the representation of moments of freedom, right now, when we are all confined in one way or another? In Valérie Horwitz’s photographs, we see the barbed wire, we understand that we are in the courtyard of a prison. In this very moment, we also are, all of us, in our personal prisons, behind virtual wires, and are somehow experiencing in our own bodies what imprisonment means.
As much as it seems inadequate to compare the pandemic we are experiencing with war – our comfort, for most of us, can in no way compare to what is happening in Syria – so much it is illusory to imagine that the experience of our confinement can be compared to being jailed: imagine for a moment that tomorrow our governments announce that confinement will last ten years! And yet. Our personal prisons are above all in our minds, more than in our living spaces. Our freedom, too, nests essentially there: in our minds. Imprisonment lasts for long, whether it is physical, behind walls, or mental, our social imprisonments, our gender prisons, all our constraints… Freedom in contrast is just for an intsant. And it is this very moment that Valérie Horwitz shows us in this wonderful series of photographs, Minor Punishments. Wonderful indeed: it is a real wonder to see, to understand, to realize that the detained minor photographed here finds inside her, in her own body, in her own mind, the capacity to be free, at this precise moment the image reveals. If she can – then we can too. This is one of the messages that the artist offers us. So let us admire these images in silence, and let us dance too, in tribute and recognition.
In all her photographic work, Valérie Horwitz explores spaces that constrain, spaces that imprison, first of all our own body : all these spaces that render our inner self, our existence, invisible. It is against this confinement, this invisibility, that she engages with her photographs. In a way, by showing us this young dancing girl, she is canceling the jail itself. She denies its very function. In the game mental space and life play against constraining spaces and death, here, for sure, life wins. Life wins in full beauty.
Peines mineures : ce travail de Valérie Horwitz est incroyablement d’actualité. Evidemment, elle ne s’en doutait pas lorsqu’elle l’a réalisé, en 2019… mais quoi de plus ancré dans notre présent – et en même temps totalement intemporel – que la représentation de moments de liberté alors que nous sommes tous confinés, d’une manière ou d’une autre ? Sur les photographies de Valérie Horwitz, on voit les fils de fer barbelés, on comprend qu’on est dans la cour d’une prison – mais en ce moment, nous sommes tous dans nos prisons personnelles, derrière des fils de fer virtuels, et d’une certaine manière expérimentons dans nos propres corps ce que signifie l’emprisonnement.
Autant il me paraît inadéquat de comparer la pandémie que nous vivons à la guerre – notre confort, pour la plupart d’entre nous, ne saurait en rien se comparer à ce qui se passe en Syrie – autant il est illusoire d’imaginer que l’expérience de notre confinement puisse se comparer à la prison — imaginons un instant que demain nos gouvernements annoncent qu’on en a pour dix ans ! Et pourtant. Nos prisons personnelles, aujourd’hui concrétisées par nos lieux de vie respectifs, sont avant tout dans nos esprits. Notre liberté aussi, c’est bien là qu’elle se niche : avant tout dans nos esprits. L’enfermement dure longtemps, qu’il soit physique, derrière des murs, ou mental : nos emprisonnements sociaux, nos prisons de genre, toutes nos contraintes… La liberté, elle, c’est l’espace d’un instant.
C’est cet instant-là que nous montre Valérie Horwitz dans cette merveilleuse série de photographies, Peines mineures. Merveilleuse oui : c’est bel et bien un émerveillement que de voir, de comprendre, de réaliser que la mineure détenue photographiée ici trouve en elle, en son corps, en son esprit, la capacité d’être libre, en cet instant précis que l’image a saisi. Si elle le peut – alors nous le pouvons aussi. C’est l’un des messages que nous offre l’artiste. Alors, admirons en silence, et dansons nous aussi, en hommage et en reconnaissance.
Valérie Horwitz s’intéresse, dans tout son travail, aux espaces qui contraignent, aux espaces qui enferment – à commencer par notre propre corps – à tous ces espaces qui rendent notre existence propre invisible. C’est contre cet enfermement, cette invisibilité, qu’elle lutte avec ses photographies. D’une certaine manière, en nous donnant à voir cette jeune fille qui danse, elle annule la prison même. Elle la vide de sa fonction. Au jeu à la vie à la mort de l’espace mental contre l’espace qui contraint, c’est la vie qui gagne ici. Elle gagne en toute beauté.
Le corps confiné, le corps libéré par Dana Hoey
Dana Hoey : La liberté du regard
Dana Hoey réclame pour elle-même et pour ses modèles, pour toutes les femmes, la liberté de montrer et de se montrer, ou non, d’être regardée, admirée, désirée, ou non, de photographier et d’être photographiée, ou non, et d’être protégée. La liberté d’exister et d’être aussi bien classiquement « féminine » que classiquement « masculine », l’un et/ou l’autre, ou non. Le regard que Dana Hoey porte sur les femmes est à la fois frontal et oblique, ludique et inquiet, et nous révèle, avec une grande tendresse et autant de puissance que de mélancolie, de peur que de force, de volonté que d’effroi, notre place et notre position au monde, telle qu’elle est et telle que la liberté la voudrait.
À propos de la série Eleanor, Dana Hoey explique : « Eleanor est une jeune danseuse que j’ai d’abord rencontrée dans le cadre de cours de boxe thaï, et qui m’a frappée par la grâce de ses coups de pied, par sa beauté aussi. C’est cette combinaison qui m’a amenée à lui demander de poser. Je voulais m’éloigner d’une esthétique de la combattante masculinisée et me rapprocher d’une beauté plus délicate – beauté qu’Eleanor incarne. Elle m’a parlé, alors, de ce que signifiait pour elle être une jeune femme, quand tout le monde vous regarde et attend quelque chose de vous. Je ne reproche à personne de regarder, je l’ai fait moi-même et Eleanor est époustouflante. Mais sur les photos, j’ai voulu l’entourer d’éclats de métal dur et scintillant en formes de diamant pour représenter à la fois le désir d’être jolie et celui de résister au regard et de repousser les indésirables. Eleanor flotte avec force et élégance dans un espace intemporel : celui d’être – et d’être vue. »
L’intérêt que Dana Hoey porte depuis toujours aux situations étranges, voire absconses, est au mieux représenté par Boardroom, image iconique de l’ « uncanniness » et de l’humour singulier de l’artiste, que l’on retrouve dans nombre de ses travaux (voir dossier joint ci-dessous). Comme l’écrivait à son propos Jean-Paul Gavard Perret : « Dana Hoey réenchante le monde, le sort de sa glaciation masculine, dans un érotisme qui tient moins des premiers émois que d’un espace mental. La suggestion reste le maître mot d’un travail attentif à la volupté et à une paradoxale précision, et si l’image devient mémoire, il ne s’agit pas de celle du temps passé mais d’un incessant avenir : l’incessant avenir de la féminité. »
Il est une autre photographie de Dana Hoey, Faye Silver, qui appelle à être regardée, scrutée, pendant des heures, tant elle recèle de l’âme et du regard hypersensible que la photographe porte sur le monde (voir dossier joint ci-dessous). On y voit une petite fille avec des gants de boxe et un casque. La photographie est prise en négatif. La position de la tête et le regard de la petite fille sont empreints d’une volonté de fer. Mais peu à peu on découvre autre chose, et la raison de l’utilisation du négatif : les poignets de la petite fille sont si minces, disproportionnés par rapport à la tête et, en réalité, elle est assise. Pourquoi une boxeuse serait-elle assise, si ce n’est que ses jambes ne peuvent la porter. Et la photographie, progressivement, révèle que la petite fille souffre d’une myopathie. À l’impossibilité de sortir de son corps, Faye Silver oppose l’espace mental. Un espace qui revendique la poignante liberté d’être : d’être forte en dépit de sa fragilité, mieux encore, avec elle, et de se voir puissante envers et contre tout. Un espace mental qui revendique la discordance, les renversements de rôles, une autre vision du monde. Et l’on comprend que l’utilisation du négatif était ici indispensable, lui qui apporte à l’image une forme de légèreté bienvenue pour contenir la profondeur du propos.


Dana Hoey, philosophe photographe, nous apprend à regarder l’image à côté de l’image, derrière l’image. Femme volontariste, artiste hypersensible, Dana Hoey se laisse émerveiller par la beauté et l’étrangeté du monde. Et partage avec nous la liberté de son regard. Notamment sur elle-même, en plein entrainement de boxe thaï. « Je suis à un âge fertile pour l’autoportrait, dit l’artiste : je ne suis ni jeune ni vielle, ni à l’âge classique de la consommation d’image, et pourtant je me vois forte et belle. Les mouvements que je photographie sont pratiqués dans le vide, ce qui leur donne une vibration antigravitationnelle qui m’intéresse. »
Une liberté de mouvement, d’âge et de gravité.
Dana Hoey: Freedom of gaze
Dana Hoey claims for herself and for her models, for all women, the freedom to show others and oneself, or not, to be watched, admired, desired, or not, to photograph and to be photographed, or no, and to be protected; the freedom to exist and to be what is consider classically “feminine” and classically “masculine”, both, or none. Dana Hoey’s gaze on women is both frontal and oblique, playful and anxious, and reveals to us with great tenderness and as much power as melancholy, fear as strength, will as dread, our place and our position in the world, as it is and as freedom would like it.
About the series Eleanor, Dana Hoey explains: “Eleanor is a young dancer whom I first met during Thai boxing lessons. And I was struck by the grace of her kicks, as well as her beauty. This combination is what initially led me to ask her to shoot. I wanted to depart from a masculinized fighter aesthetic and approach a more delicate beauty, which she embodies. She talked to me, then, about what it means to be a young woman, when everyone looks at you and wants something from you. I don’t blame anyone for looking, I did it myself and Eleanor is stunning. But in the photos, I wanted to surround her with shards of hard and glittery metal in diamond shapes to give her a space where she could both express the desire to be pretty and resist the gaze, and fend unwanted pursuers off. Eleanor floats strongly and elegantly in a timeless space: a space of being, and being seen.”
The interest that Dana Hoey has always demonstrated for strange, sometimes even abstruse, situations is best represented by Boardroom, an iconic image of “uncanniness” and the peculiar sense of humor of the artist, which is found in many of her works (see document bellow). As Jean-Paul Gavard Perret wrote: “Dana Hoey re-enchants the world, far for the fate of male glacial era, in an eroticism that belongs more to a deep mental space than to initial emotional moments. Suggestion remains the watchword of Hoey’s work, a body of work paradoxically caring as much for precision as for pleasure,. Here, when the image becomes memory, it is not a memory of the past, but of an endless future: the future of femininity.”
There is another photograph by Dana Hoey, Faye Silver, which calls for hours of gaze and scrutiny, as it contains much of the hypersensitive soul of the photographer and of her way to look at and depict the worlds (see document bellow). We see a girl with boxing gloves and a helmet. The photograph is taken in negative. The position of the head and the gaze of the girl are marked with an iron will. But little by little we discover something else, and the reason for using the negative: the girl’s wrists are so thin, disproportionate to the head and, in reality, she is sitting on a chair. Why would a boxer be seated, except that her legs cannot carry her. And the photograph gradually reveals that the girl is suffering myopathy. To the impossibility to get out of her body, Faye Silver opposes a mental space. A space that claims the poignant freedom to be: to be strong in spite of her fragility, better still, with it, and to present herself as powerful against all odds. This mental space claims discordance, role reversals, a different vision of the world. And we understand that the use of the negative was essential here, as it brings to the image a form of lightness that contributes to the better containment of the depth of the subject.
Dana Hoey, a philosopher and a photographer, teaches us to look at the image next to the image, behind the image. Both a self-asserted woman and a hypersensitive artist, Dana Hoey allows herself to be taken by the beauty and the strangeness of the world and shares with us the freedom of her gaze. Particularly on herself, in the practice of Thai boxing training. “I am at a fertile age for self-portrait” says the artist. “I am neither young nor old, nor in the conventional age for photographic consumption yet I think I look pretty strong and great. The movements of Muay Thai are done in the air, which gives them an eerie vibration of not just shadow-boxing but anti-gravity.”
A freedom of movement, age and gravity.
Le corps confiné, le corps libéré par Jhafis Quintero
Jhafis Quintero, né en 1973 au Panama, est un artiste multicartes, vidéaste avant tout, performeur, mais qui pratique aussi le dessin, la photographie, l’écriture. Il a représenté le Panama à la Biennale de Venise 2013. Il fut une figure de proue de l’exposition de groupe « L’Ennemi Public », à Paris, à la galerie Magda Danysz (janvier-février 2013). Figure de proue, parce qu’il fut le seul artiste dans cette exposition sur le thème de la prison (que fait-on de « l’ennemi public », si ce n’est l’emprisonner, pour ne plus le voir ?) – le seul, donc, à avoir eu une expérience personnelle et prolongée de l’emprisonnement. De lui, Clelia Coussonnet (Uprising Art) dit avec justesse que son art est certes nourri de cette expérience, mais que Quintero a la capacité d’universaliser son propos, pour nous faire ressentir nos propres prisons, nos propres enfermements, qu’ils soient physiques ou mentaux, sociaux, culturels, de corps ou de genre.

Sweet Powder, 2010, video still © Jhafis Quintero
L’art et le crime : les deux visages d’une même subversion
Selon Quintero, l’art et le crime sont plus proches l’un de l’autre qu’on ne le pense. Tous deux dérivent d’un appétit féroce, immémorial, fondamental, pour la transgression. « Pour avoir appartenu aux deux disciplines, je crois que l’art et la criminalité sont deux frères jumeaux qui partagent la nécessité de transgresser. J’ai connu beaucoup de criminels qui pourraient être de grands artistes et des artistes qui feraient d’excellents criminels. J’aime l’art parce que je peux être moi-même, sans préjudice à autrui. »
« Dans les deux cas donc, poursuit l’artiste, il s’agit de transgresser. Il en retourne de cette faim subversive que je ressens dans mon ventre, et que dès l’âge de mes seize ans j’ai pris l’habitude de satisfaire avec le crime. Cette adrénaline qui te baigne, quand tu as réussi un vol, et qui fait que tu ne songes même plus à l’argent, à comment le dépenser, mais que pendant un moment béni tu te laisses juste aller à la joie d’avoir dupé le système. Quand tu as cette faim là en toi, et que tu es un gosse de famille nombreuse à Panama, que tu grandis dans une carrosserie, le crime saute aux yeux – l’art lui est ailleurs, tu ne peux pas le voir, tu n’as même pas idée qu’il existe. Tu vas apaiser cette faim par la criminalité – l’apaisement le plus accessible, alors. »
Au milieu des années 1990, après une demi décennie déjà, écoulée en prison, il rencontre Haru Wells, « une femme bien décidée à nous prouver que l’art est un substitut efficace au crime. » Haru Wells enseigne l’art aux détenus, d’une manière non traditionnelle, dans un lieu non conventionnel. Elle leur apprend à organiser leurs idées et à communiquer d’une manière différente. Quintero, comme la plupart des prisonniers, s’inscrit aux cours de Haru Wells pour briser la routine du temps, cette routine du temps autophagique qui est l’ennemi juré des détenus (lire notamment Gérald Kerguillec, artiste travaillant avec des prisonniers, en France, dans L’Ennemi Public, coordination Paul Ardenne, Magda Danysz & Barbara Polla, Ed La Muette-BDL, 2013). Mais très vite, il se passionne. Et développe cette conviction, que l’art est un substitut au crime. L’engagement créatif, arme violente contre les inerties de tous les systèmes que nous humains mettons en place pour nous torturer nous-mêmes. On repense à Kafka, encore.
« En travaillant avec Haru Wells, nous avons, j’en suis convaincu, trouvé une manière naturelle de nourrir cet appétit de transgression que certains d’entre nous portent ancré à leur poitrine et leurs entrailles. Faire de l’art, pour moi, consiste à organiser une pensée de manière esthétique, à transmettre des idées, à re-signifier. C’est le substitut parfait du crime, parce qu’il me permet d’esthétiser la transgression qui fait partie de ma nature même. Je puis ainsi sculpter mes idées et mes instincts et leur donner une forme, une forme nouvelle et différente. »
Jhafis Quintero, is a plural artist: a video artist above all, a performer too, he also practices drawing, sculpture, photography and writing. He has represented Panama at the 2013 Venice Biennale. He was a figurehead of the group exhibition « Public Ennemy », in Paris, at the Magda Danysz Gallery (January-February 2013). Figurehead, because he was the only artist in this exhibition on the theme of prison (what do we do with the « public enemy », if not imprison him, so as not to see him anymore?) – the only one, therefore, to have had a personal and prolonged experience of imprisonment. About him, Clelia Coussonnet (Uprising Art) aptly says that his art is certainly nourished by this experience, but that Quintero has the capacity to universalize his subject matter, to make us feel our own prisons, our own confinement, whether it is physical or mental, social, cultural, bodily or gender.
Art and Crime: Two Faces of a Same Subversion
According to Quintero, art and crime are closer to each other than you think. Both derive from a ferocious, immemorial, fundamental appetite for transgression. “Having belonged to both disciplines, I believe that art and crime are two twin brothers who share the need for transgression. I have known many criminals who could be great artists and artists who would make excellent criminals. I love art because I can be myself, without prejudice to others.”
“In both cases, therefore, continues the artist, it is a question of transgressing. It is about this subversive hunger that I feel in my belly, and that from the age of sixteen I got into the habit of satisfying with crime. For the adrenaline that bathes you, when you have successfully stolen, that makes you no longer even think about money, how to spend it, but yes, for that blessed moment when you just let yourself go to the joy of having fooled the system. When you have that hunger in you, you are a kid of large family in Panama and you grew up in a car body shop, then the crime seems just obvious – art is elsewhere, you can’t see it, you don’t even have the notion that it exists. You’re naturally going to quell this hunger by crime – the most accessible appeasement, then.”
In the mid-1990s, after half a decade already in prison, Jhafis Quintero meets Haru Wells, “a woman determined to prove that art is an effective substitute for crime.” Haru Wells teaches inmates art in a non-traditional way in an unconventional location. She teaches them to organize their ideas and to communicate in a different way. Quintero, like most prisoners, signs up for Haru Wells’ classes to break the routine of time, that autophagic time routine which is the sworn enemy of inmates. But quickly, Jhafis Quintero becomes passionate about art. And develops this conviction, that art is a substitute for crime and creative engagement, a most efficient weapon against the inertia of all the systems we humans put in place to torture ourselves.
“Working with Haru Wells, I found a natural way to fuel my appetite for transgression. To make art, for me, is to organize my thoughts in an aesthetic way, to transmit ideas, to re-signify. It’s the perfect substitute for crime, because it allows me to aestheticize the transgression that is part of my very nature. I can thus sculpt my ideas and my instincts and give them a form, a new and different form.”